Thierry Théolier - Paris (FR)

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Pour Révolution blanche

A Thierry Théolier, le fumeur virtuel, kiffeur de web.

«Révolution blanche en ligne, on ne peut rien en dire comme tout y est écrit. S'écrira. Le détail photo numérisé compris. Pouls lent du sportif hypertonique. Voyez : "sur tous les trottoirs du monde il y a des mégots par terre." Ainsi vont les journaliers symboliques de Thierry Théolier ouvrable, l'ascèse médiatique de Serge Balasky.»

Homélie au mégot
Cette phrase sublime "sur tous les trottoirs du monde il y a des mégots par terre" n'est pas de moi. Elle est d'une femme, une jeune fille auteur de l'énoncé en son temps, dont je ne connais pas le nom, si douée, eut-elle écrit sous d'autres noms que les siens et qui était, au début des années 70, la compagne d'un jeune homme s'essayant alors dans la part maudite et le cut up, aujourd'hui l'écrivain radical Baudouin de Bodinat (assez récemment : "La vie sur terre", tome 1, 2, Editions de l'encyclopédie des nuisances) ‹ remarquable.
Il faut lire cette phrase au regard des vertus du nombre chez William Burroughs (l'ordinaire tragique de la singularité au regard des grands rythmes qui jouent les catastrophes) , et de Paul Valéry (la trace anthropologique de l'être social dans un univers urbain déserté par la dimension symbolique du sens).
Cette phrase est un hommage à l'iconographie subjective de Révolution Blanche pour acte symbolique face à la dérision générale (mais non particulière) de l'art contemporain toujours en dépérissement de modernité.

Quel fumeur après la fermeture nocturne des officines ne se souviendrait, maintenant, d'avoir fébrilement dépiauté les mégots laissés pour compte dans les cendriers, afin d'en extraire un restant de tabac ? J'en fus. Les Gauloises bleues constituèrent ma volupté addictive et voluptueuse pendant deux décennies. Il y avait aussi les mégots de soi ou de l'être aimé, dont on se reprenait en l'état aux lèvres, qui nous rendaient plus proches de ceux que les clochards portaient à leur bouche après les avoir ramassés par terre, quand ils nous demandaient du feu. Le tabac du Lot non transgénique et non traité au pesticides, de nos jours pourri autant que le tabac Marlboro et quasiment interdit à l'horizon de l'Europe du GATT et la suite, était le plus fort du monde en taux de nicotine, dit-on.
Le mégot est un médiateur duale de l'eau et du feu. Un mégot jeté par la portière d'une voiture peut incendier la forêt, mais tombé dans une goutte d'eau : il s'éteint aussitôt.

Chaque mégot est l'empire de la trace humaine : emprunte des lèvres qui pincent, du corps oxydé de la salive qui parle, des doigts qui prennent, emprunte parfois des pores de la peau des cuisses sur lesquelles fut posée la cigarette juste roulée, pendant qu'on remettait sur la table la blague et le papier, et le temps de gratter une allumette ou de frotter le briquet. Chaque mégot est l'objet érotique des défaillances maternelles de nos frustrations enfantines et de nos manques désirants. Chaque mégot contient à jamais la singularité sensible de celui qui l'a fumé et jeté, en un moment et en un lieu donné.
Chaque mégot est l'indice momentané et global de la vie privée en mal de topologie, inscrit un rapport des urbanités occidentales à leurs errances géographiques passées, liant dans sa plus banale civilité l'histoire des peuples qui ont mené le monde à sa perte à travers le progrès technique. Le mégot a anticipé le web. C'est l'objet trans-ethnique local-global équivalent à la trace virtuelle en ligne. Le mégot est plus cultivé que le coca-cola. Le mégot se fume après l'amour ; telle la cendre se décompose il se dissémine au vent .

Le mégot se jette dans les chiottes : pas la bouteille ni la paille ni la seringue.
Le mégot est une œuvre microcosmique qui construit, de la succession ininterrompue de ses archives éphémères, une fugue avec le macrocosme en ses plus extrêmes temporalités.
Il est des universaux urbains qui résident dans le mégot.
Mégoter : introduire la nuance. Mégot : c'est la bouche, le goût remontant jusqu'à l'odorat, la subtilité des muqueuses, la brûlure de la société, le délice du baiser.
Malaimer. Aimer Mallarmé. Apollinaire.

Paris-mai, 2001, Aliette Guibert

La critique par Art Hunter

"Par l'auteur du déjà célèbre concept "approved by ", ça s'appelle la révolution froide, ça fait effectivement froid dans le dos mais c'est tellement bon !!! A déguster sans modération et avec un maximum de précautions, ThTh ou les tribulations d'un trublion plein de (bonnes) résolutions !."

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