Aliette Guibert - Paris (FR)

Criticalsecret

« M'expliquer suppose que je parle de mon contexte...

Il me semble que l'avenir des artistes en ligne est de s'auto-produire, leur art intègre organiquement la production. D'ores et déjà ce sont des entrepreneurs, qu'il s'agisse de leurs ressources personnelles ou professionnelles par ailleurs réinvesties ici dans un cadre gratuit, de leurs budgets conquis, ou de leurs outils en progrès, les plus dynamiques d'entre eux de toute évidence sont producteurs. Et ceci, non seulement "in" mais encore "off" line dans le cadre d'installations muséographiques exceptionnelles (art contemporain en projets diversifiés auprès de partenaires institués : municipalités, conseils régionaux, ministères concernés, fondations privées tel Kozen par exemple, certaines banques sponsors, etc...)
J'ai déjà présenté cette idée pour concilier sur la question du statut des nouveaux artistes, l'été dernier dans le cadre d'une réunion à Montreuil, avec un représentant du ministère de la culture à propos du palais de Tokyo (non la liste mais le musée ouvrable), où se trouvaient des gens aussi différents que Forest et Antoine Moreau ; or je ne me souviens pas d'avoir été contredite sur ce point, aurait-on préféré éviter de le développer.
Je n'imagine pas que Tamara Laï, l'entrepreneuse charismatique de son art personnel ou en réseau, ne puisse accompagner ce point de vue.

A partir de cela tout est possible. Toutes les tendances s'assimilent dans le cadre d'application socio-anthropologique, où sont définis ces apparaîtres d'art aujourd'hui, comme des ensembles poïétiques en citoyenneté planétaire, qu'elle soit urbaine ou celle des réseaux. Peu importe que l'on soit davantage éditeur ou producteur, entendre plus écrivain ou plus graphiste, ou cinéaste, et peu importe que les arts traditionnels soient ressaisis, cités, ou collés, dans le cadre de l'objet avant-gardiste des nouvelles technologies, puisque la technique et donc les arts techniques en sont le fondement immémorial. Quant aux nouvelles technologies, elles ne sauraient plus être l'avant-garde elle-même, sauf secte ou corporatisme lié au code professionnel, parce que le consensus politique lié au pouvoir n'est plus le projet révolutionnaire, émergeant des pratiques dialectiques de la lutte des classes.
Et bien sûr dans un avenir proche, pourvu que l'on soit capable de sortir du site personnel (sauf s'agissant de simples vitrines pour magasin de vente, où d'expression personnelle absolument nécessaire à soi), ces artistes valides seront fatalement confrontés à l'interdisciplinarité, donc à l'échange avec d'autres réseaux que ceux de leur préoccupation immédiate.

www.criticalsecret.com énonce cela de façon radicale dès le début, ni comme opinion ni comme manifeste, mais en actes créatifs, y compris à travers des formes liées à l'identification critique du Web. Il n'y a pas de critère en art aujourd'hui, sinon sa capacité de circuler. J'ai donc voulu marquer une différence dans la perception "intelligente", relative à une coexistence surprenante des contenus, au regard des spécialisations habituelles. Une sorte d'aventure. Il s'agit non de savoir mais de pensée perceptive, d'un appel à l'intuition de la connaissance, en tant qu'elle ne se reproduit pas mais s'induit autrement. Libre à qui veut en connaître davantage de s'investir personnellement par ailleurs... mais ici, rien n'est dicté ni ré-interprété, tout est en autonomie de points de vue et livré brutalement, à l'effet de la conscience critique.
Mélanger des personnalités de la Recherche universitaire ou des disciplines artistiques ou littéraires expérimentales, à des inconnus, n'est pas chose facile. Il y a aussi ce feeling, qui permet d'accepter des contenus indéterminés au sein des plus brillants, car les plus indéterminés font vibrer les plus brillants et les plus brillants donnent sens aux plus indéterminés. Mais pas n'importe lesquels, et là j'avoue la force discriminante de l'âge.... Ainsi va la vie ordinaire du monde.

Quant à moi, je viens à la fois du cinéma, de la télévision et de l'édition, mais toujours sous l'angle de la conception ou de la création, où j'ai exercé des activités techniques ou éditoriales avec ou parmi les autres, comme assistante, ou des activités de production, de réalisation ou d'auteur en mon nom propre, mais aussi émergeant des dernières avant-gardes modernes et post-modernes, dans des groupes de recherche relatifs au domaine du design (citée dans le dictionnaire mondial du design avec le groupe Eta 1 pour des expositions à Paris, à Venise et à New-York, en 1966, 1967 et 1968), ou au contact de mouvances intellectuelles telle Utopie, puis dans les groupes politiques qui supposaient encore agir le projet révolutionnaire à l'issue des années 60 etc... Je me suis donc édifiée du pragmatisme à la fois dans le domaine professionnel et dans le domaine intellectuel liés à l'évolution de la pensée, de la littérature et des arts critiques. Je pense opportun d'agir aujourd'hui à la périphérie des perspectives globales, et en "masse critique" (au sens de la thermodynamique) de celles-ci, donc en partie inexplicables (d'où le terme de secret).
Mon dernier travail au stricte service des autres fut d'être rédactrice en chef de l'Observatoire de la télévision, révolutionner en un an la ligne éditoriale de ce magazine de recherche sur les carrefours de la communication pour experts, de Léo Scheer, en ouvrant vers de nouveaux réseaux en vue de sa future maison d'édition. Que ce soit de l'ordre de mes propres ouvertures et nouvelles rencontres ou de ses propres retours ou nouveaux contacts, dans le domaine de la culture.

Lasse des rapports de force, j'ai décidé de monter ma propre entreprise, mais dans un cadre multimedia qui me permettrait de revenir aux plasticités artistiques intégrées au domaine de la pensée. Bien sûr c'était en vue d'une autonomie pour l'expression du radicalisme ou des ruptures formelles, donc je ne pouvais tomber dans les bras des financiers... De plus je n'avais pas d'argent personnel. J'ai donc imaginé possible cette société alternative, concept édition-production à faible capital, à partir de la loi française sur la presse et l'édition, et obtenu finalement le Kbis (six mois de bataille) et la labelisation INSEE du spectacle, comme n'importe quelle société de production de programmes éditoriaux de télévision. D'après la chambre de commerce de la ville de Paris, cette société mixte à faible capital fonde un statut nouveau des sociétés anonymes appliquées aux nouvelles technologies. Il y a des contraintes, il faut tenir des rythmes, trouver de nouvelles ressources...
La partie est activement ouvrable mais jamais gagnée de façon définitive, des partenaires thématiques partent, d'autres arrivent : c'est un ouvrage, une oeuvre sans fin, à la fois prévisible et imprévisible, toujours imprédictible en premier lieu, sauf imaginairement (mais pourtant logique) ; pour autant ce n'est pas une oeuvre personnelle mais collective, en serais-je l'auteur producteur comme au cinéma (et cela non plus n'est pas immuable, sinon l'esprit partagé).
Chaque contributeur acceptant d'en jouer le jeu lui apporte sa touche sensible ou réflexive. Pour ce qui est de l'édition en ligne, ma quête chez les créateurs susceptible d'agir une interface est relative à la durée interactive et à la spacialisation de la graphique programmation, comme architecture actuelle du virtuel (actuelle : entendre appliquée la création innovant des univers en ligne, comme scène de distanciation, seraient-ils strictement conceptuels) : une scène virtuelle du concept thématique en l'état de l'interface, proposant une distribution inspirée des contenus ou les inspirant, où le graphisme éditorial lui-même constitue un système d'ameublement interactif...
Mais les moyens à propos de critical, selon les objectifs ou les supports, peuvent être simplement le html.

Criticalsecret alentour nourrit d'autres projets ou est nourri par d'autres projets ; dans le cadre de la SA, il peut devenir un corps secondaire, n'étant pas un objet commercial, mais il vivra toujours comme objet symbolique premier, le lieu possible et singulier des expériences limites ou risquées représentées.
Cette oeuvre commune relève non de la vérité (sauf en l'état de son existence sociale) mais de l'illusion (en l'état de son sens). Comme l'art des magiciens en scène est de se saisir du temps de la perception, pour le métamorphoser en effet de conviction, ce n'est pas pour prendre le pouvoir, mais pour distraire de la mélancolie existentielle. C'est une oeuvre informelle parce qu'elle est multidisciplinaire et intègre sa structure de production, de même que ses intervenants probables ou improbables, mais qui ne sauraient manquer d'apparaître : réellement vivante elle se métamorphose... elle songe (percept et concept). Action poïétique. On peut même y imaginer des éléments Yes futur, mais demain y est une actualité possible, non une utopie.

Aliette G-C. »

 

La critique de Criticalsecret par Art Hunter

"Une revue en ligne qui paraît tous les deux mois, art en général, littérature, philo etc... tout ce qui peut se faire de qualité sur le web y trouve sa place (textes , photos, animations, vidéos...). Les intervenants sont variés, personnalités du net et d'ailleurs s'entendent à la confection de chaque numéro en regard du thème choisi. L'ensemble est à la fois attractif et très rigoureux, les contenus se veulent à l'écoute, incisifs et surprenants mais avec la distance et le brin de folie suffisants pour ne pas devenir ennuyeux. Une réussite !"

<<